LES VENDANGES
de la passion
PAR FRANÇOISE SPIEKERMEIER
Trente ans déjà ! A la tête de Château Roubine, Valérie Rousselle fête son coup de coeur pour ce terroir exceptionnel dans lequel s’enracine le prestigieux Cru Classé. Le rêve de porter haut les couleurs de Provence à travers le monde est devenu réalité. Après le succès international, la saga de Château Roubine entame un nouveau cycle au plus près des origines.
Quel est le secret de Valérie Rousselle ? Comment la pétillante trentenaire « tout à fait inconsciente mais passionnée », novice en agriculture, a réussi à propulser cette parcelle divine de 72 ha d’un seul tenant aux sommets de l’excellence ? Envoûtée en retour, cette terre lui a offert, au fil des ans, la reconnaissance de ses pairs, les honneurs des institutions françaises : Présidente des Crus Classés de Provence de 2005 à 2008, vice-Présidente du Cercle national des femmes du vin, Prix de l’Excellence Française en 2014 pour son rosé de Provence, médaillée de l’Ordre du Mérite agricole… Ce 19 juin 1994, jour de son anniversaire, l’acquisition de l’un des plus anciens
vignobles de France connu depuis l’Antiquité romaine, devenue possession d’une commanderie templière puis del’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ravive le feu d’un destin lumineux: avec Valérie Rousselle à sa tête, « Roubine » fera le tour du monde, s’invitant à la table des palaces mythiques, de la Mamounia de Marrakech au Taj Mahal en Inde, sans oublier à Paris, l’Hôtel Georges V, les tables d’Alain Ducasse et de nombreux Chefs étoilés. L’ambition de Valérie Rousselle de faire de Château Roubine un rosé de gastronomie est atteint. Porté par un charme solaire, une ambition sans frontières et le blason templier sur ses bouteilles, Château Roubine est présent aujourd’hui dans plus de cinquante pays où il incarne l’élégance, une qualité de vie, le respect de l’environnement.
Telle Eléonore de Provence devenue Reine d’Angleterre au XIIIème siècle, la native de Saint-Tropez s’est faite l’ambassadrice d’un savoir-faire et d’un savoir vivre à la Française. Exprimer le terroir tout en le respectant est au cœur de ses préoccupations. Le déclic s’est produit avant la première vendange, lors de la montée de sève, lorsque son chef de culture lui a montré les larmes de lavigne. « Cela m’a chamboulée » avoue t elle. Diplômée en 2008 de l’Université du vin de Suze-la-Rousse, elle s’intéresse aux principes de Rudolph Steiner basés sur la correspondance entre les 5sens, les 5 éléments et la course des étoiles. Visionnaire dans son métier, elle décide très vite de vendanger la nuit, entre 2h et 7h du matin, la fraîcheur permettant de conserver toutes les qualités du raisin.
Après le label bio obtenu en 2017, la certification en agriculture biodynamique en 2020 vient couronner sa démarche. Les jus sont récompensés par de nombreuses médailles : or, argent, les notes caracolent entre 90 et 93/100. Passionnée de management, elle place les meilleurséléments aux noeuds stratégiques, fédère les équipes. Dès leur tendre enfance, ses trois enfants font les vendanges. La transmission est à l’oeuvre par les liens du coeur tissés avec les hommes et les femmes qui animent le domaine familial. En 2015, Adrien, le fils ainé fait son entrée créative en lançant la cuvée « La Vie en rose », succès immédiat illustrant à merveille l’identité familiale. Il s’est vu confié la stratégie et le développement du domaine. Sa fille Victoria, formée elle aussi à l’Université du Vin de Suze-la -Rousse, nouvelle génération d’entrepreneuses hyper connectées, a pris les rênes du marché français.
Léonard, le cadet, se prépare à rejoindre l’aventure à travers ses études à l’école Hôtelière de Lausanne, dans le sillage de sa maman. La relève est assurée. A quoi rêve-t-elle ? « Pour les trente ans, on va s’offrir une magnifique œuvre monumentale que l’on placera à l’entrée du domaine », nouvelle pépite ajoutée à la collection visible aux abords du château. Désireuse de partager son bonheur, Valérie Rousselle prépare un florilège de réjouissances : le bal s’ouvrira le 20 juin dans les jardins du château par unesoirée Indienne, avec danseuses et musiciens rapportés dans ses bagages d’un récent voyage à Dehli, en plus de quelques saris. Puis «nous fêterons la sortie de la cuvée Héritage créée de façon collégiale avec mes enfants, un hymne au Tibouren avec une pointe de Rolle… Elle sera lancée le 13 septembre ». Le cépage endémique cloné à partir de vieuxceps et référencé « Tibouren by Roubine », possède des senteurs fumées et épicées au vrai parfum de terroir, très caractéristique. « Cette cuvée sera limitée à 3000 bouteilles, et destinée aux tables gastronomiques étoilées… Très élitiste, très réservée ».
Avec un peu de chance, il sera possible de la déguster à la table du « Fada », le restaurant bistronomique dans les vignes qui verrale jour prochainement sur le domaine. Par sa situation privilégiée sur un coteau ensoleillé, traversé par l’ancienne voie romaine dite Julienne reliant Rome à ses terres agricoles provinciales, le vignoble entouré de forêts de pins, baigne dans une nature authentique. Ce Paradis de fraîcheur inspire à Valérie Rousselle un retour à ses origines : « Issue d’une famille d’hôteliers de plein air, j’ai toujours été très sensible à l’hospitalité. Nous avons confié à l’architecte Lina Ghotmeh, la réalisation d’une trentaine de chambres dans de petits cabanons insolites entre vigne et garigue ». Un spa, calqué sur le principe des thermes romains, proposera des bains à différentes températures. Les produits cosmétiques seront ceux de la gamme Sens imaginée par Valérie à base de miel, lavande, romarin et fleurs de vignes. « J’ai fait broyer des sarments pour fabriquer des peeling pour le corps et le visage ». Pour Valérie Rousselle, la vigne est un cocon de beauté dont elle dévide le fil sans jamais se lasser. Sa sagacité n’empêche pas la poésie. « On est dans un univers un peu mystérieux. Le miracle du raisin qui se transforme en vin, cela reste une chose magique. En biodynamie, on travaille en accord avec les astres. Cela me rappelle une citation de Saint-Exupéry : « Et j’aime la nuit écouter les étoiles. C’est comme cinq cent millions de grelots. » A Château Roubine, on tutoie les étoiles sans perdre de vue ses rêves.