MATHIEU DUPUIS BAUMAL

La Provence vagabonde

PAR FRANÇOISE SPIEKERMEIER

Va et vient subtil, à la pointe des papilles, entre les paysages de Paul Cézanne et ceux de Hokusai : une ascension vers la Sainte- Victoire poussée par la grande vague de Kanagawa venue du Japon… Si la cuisine est un voyage, celle de Matthieu Dupuis Baumal invite à déposer à l’entrée nos références pour franchir de nouvelles portes de la perception gustative. Entre réminiscences et découverte, les papilles vous guident vers des contrées imaginaires que le Chef parcourt chaque matin du côté du Soleil Levant. Inspiration fusion pour une explosion de saveurs en bouche, délicates, contrastées, maîtrisées : une émotion savamment contrôlée dont il est passé maître. Le goût sans frontières se donne en partage. Et tout commence dans le potager, l’herbier et le verger du domaine.

Le château de La Gaude est devenu en trois ans, un incontournable pour les personnes à la recherche de dépaysement culinaire. Comment cela a -t-il commencé ?
Je suis arrivé deux ans avant l’ouverture de l’hôtel, pour participer aux travaux, découvrir avec Didier Blaise, le propriétaire, tout le panel des possibilités et ce qu’on avait envie d’entreprendre. Au début, il s’agissait de créer un hôtel et un restaurant, d’ouvrir une table à Aix-en-Provence pour mettre en valeur les vins du domaine. J’avais fait mes armes dans de belles maisons : 4 ans chez Michel Troisgros à Roanne, il y a dix ans, puis Chef exécutif au domaine de Manville aux Baux de Provence avec une étoile Michelin en 2017. J’étais loin d’imaginer l’ampleur du projet que ce lieu hors du commun allait nous inspirer.

Vous êtes plutôt locavore ?
Totalement. Au Art, notre table gastronomique, on est sur un style de produits très locaux, ponctués de petits clins d’oeil d’outre-mer au niveau des épices. 95% des matières premières provient de la production locale grâce aux relations privilégiées avec les petits producteurs qui connaissent nos attentes. Chaque année nous développons notre production. En plus des 19 ha de vignes et des 400 oliviers, nous avons planté huit arbres à yuzu dont la baie épicera les plats de nos deux restaurants japonais, et prévoyons de planter des poivriers de Timut, originaire du sud du Népal. Les poivriers de Sansho originaires du Japon, aux accents prononcés d’agrumes et de citronnelle, commenceront à produire à l’automne. Le potager fournit fleurs de courgettes, piments, concombres, radis… Du côté de l’herbier, un espace de 150m2 situé sur un toit, nous récoltons cinquante herbes et fleurs comestibles différentes. Nos hôtes y croisent les barmans venus chercher les herbes pour les cocktails.

Le Art, La Source, Kaiseki et le K : quatre restaurants, quatre partitions à orchestrer au quotidien.
Sur quoi repose l’expérience 
client ?
Toutes nos cuisines sont le théâtre d’un vrai travail collectif, à la différence d’un restaurant géré par un seul chef. Nous essayons de créer un lien de cohésion qui rend l’expérience assez unique, avec ce dialogue de partage qui est notre force. D’un restaurant à l’autre, le client bénéficie d’un accueil spécial : ses goûts, préférences sont transmises par les équipes pour rendre l’expérience au Château de La Gaude unique. Le nerf de la guerre consiste à fédérer les équipes pour donner une âme au lieu.

Comment parvenez-vous à attirer les clients vers la gastronomie japonaise ?
En collaboration avec le chef japonais Kazunari Noda, nous proposons tous les jours un Menu Lunch Umami à 49 euros très haut de gamme, une invitation à voyager. Le produit local est travaillé à la manière japonaise : la sériole par exemple, poisson à chair blanche au goût proche de celui du thon, est préparée en tataki ou en sushi. Le menu change toutes les semaines en fonction des arrivages.

Et les sakés ?
Notre cave en contient 40 différents car la bonne cuisine japonaise est mariée au saké qui n’est pas un alcool fort, contrairement à ce que l’on imagine. Parmi eux, les sakés de la maison Kokuryu sont obtenus à partir de l’eau centenaire ruisselant des glaciers du mont Hakusan, irriguant le riz cultivé depuis des générations sur le terroir de Fukui.

Les 4 restaurants du Château de La Gaude

Le Art – gastronomique, 1 étoile au guide Michelin depuis janvier 2020 et 4 Toques au Gault et Millau en novembre 2023.
La Source – culture bistrot, idéal pour les déjeuner d’affaires et les sorties du week-end
Kaiseki – gastronomique japonais inspiré de la région de
Kyoto. Omakase signifie « Je m’en remets à vous » : mystère sur le contenu du menu.
Le K- cuisine fusion entre Asie et Provence.

Renseignements et réservation :
https://chateaudelagaude.com