Paul Mathieu

Un sculpteur designer prodige et libre comme l’air

PAR NADÈGE MOHA

Paul Mathieu voit le jour à Villefranche sur Saône où il a grandi au coeur des vignes du Beaujolais.
Après des études dont il sort diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon et du
Collège des arts et du design de West Surrey au Royaume Uni, il part s’installer à los Angeles.

Figure emblématique de l’architecture d’intérieure et du design dans les années 80, aujourd’hui, il partage sa vie entre New York, Jaipur, Murano et Aix-en-Provence. Bien plus qu’un designer, Paul Mathieu est un artiste contemporain à part entière, Il a signé les plus belles pièces de collection pour les noms les plus prestigieux de l’architecture d’intérieur et du design. Ses créations traversent les modes et le temps et s’inscrivent ainsi incontestablement dans l’histoire de l’art. Après de nombreux voyages entre la France et les États- Unis, il revient s’installer à Aix en Provence dans les années 90. Une commande assez exceptionnelle lui sera confiée quelques années plus tard, celle de créer et de réaliser l’ensemble du mobilier liturgique de l’Église de la Madeleine à Aix en Provence ( là où Paul Cézanne fut baptisé). Après des années de rénovation la Madeleine ouvrira de nouveau ses portes au grand public,

Un parcours hors norme
Dans les années 90, à l‘apogée de son succès, Paul Mathieu avec son complice de l’époque, le designer de mode Michael Ray attirent l’attention de la célèbre designer, Andrée Putman qui demanda à les rencontrer, intéressée par une de leur création devenue iconique, la célèbre Chaise Ice. C’est au Café de Flore à Paris que la rencontre a lieu. Alea jacta est, la destinée est en marche. Les galeries les plus chics de Los Angeles, de New York et à travers le monde leur ouvrent les portes et les collectionneurs affluent.

Chateau La Coste – Le Puy Sainte Réparade. Still Motion

Le Buffet Aria

Still motion …paradoxal et poétique.
En 2019, le Château La Coste, lieu sublime dédié à l’art contemporain, sous le Pavillon Renzo Piano lui consacre une exposition intitulée Still Motion, où sont présentées ses pièces les plus iconiques. Cet été 2025, sous l’égide de la Galerie Ralph Pucci, Le Château La Coste réitèrera un hommage à cet enfant très gâté par les arts ; Une occasion unique de découvrir le travail de cet artiste, parmi d’autres artistes, d’une discrète élégance et d’une humilité déconcertante.

Beauté et innovation
Paul Mathieu puise son inspiration de l’observation de la nature, de ses nombreux voyages et de son enfance auprès de son père sculpteur qui lui a transmis l’amour de la sculpture et de sa mère, le goût de la beauté. Il sculpte les matières, les contours et ses créations sont uniques et iconiques.
Elles allient savamment élégance, savoir-faire ancestral et innovation technique, elles reflètent l’expression d’un esprit libre aux influences culturelles multiples. Chaque projet est une nouvelle aventure, une opportunité de repousser les limites et les contraintes de la matière et de créer ainsi des pièces d’art uniques. La Galerie Ralph Pucci à New York qui représente les créations de Paul Mathieu depuis de nombreuses années résume son travail en ces mots : « Une conception d’excellence qui exprime parfaitement l’interaction entre créativité, design et innovation. »

« Chacune de mes avancées au travers de mes créations est finalement un chemin initiatique avec de nouvelles découvertes un apprentissage nouveau, cela m’inspire toujours plus encore. »

Paul Mathieu, qu’est-ce qui vous a inspiré pour devenir designer ?
Mes parents avaient un goût prononcé pour la beauté et le design. Le mobilier Knoll faisait partie de notre quotidien ; Chez nous, et c’était la règle d’or pour mon père, tous les murs étaient blancs, ponctués de reproductions d’œuvres minimalistes de Calder ou de Miro, de masques et objets d’Art Premier ainsi que de pièces de design des années 50 que ma mère adorait chiner et qu’elle collectionnait. A cela s’ajoutaient des oeuvres contemporaines réalisées par mon père qui était sculpteur. Ma mère achetait régulièrement le magazine Maison Française, qui, dans les années 70 était la référence en matière de design. Cela m’inspirait toujours beaucoup. Mon père passait énormément de temps à sculpter dans son atelier. Je l’observais dans le silence rythmé par le seul crissement de ses ciseaux à bois. D’une de ses sculptures, j’ai créé une édition en bronze que j’ai appelée FLOW. Cette pièce, par sa liberté d’être, m’a inspirée tout particulièrement pour la création de ma chaise intitulée LIBRE, réalisée dans l’atelier de sculpture et édité par RALPH PUCCI. NY, elle a été élue « Best of Year 2024 par le magazine américain Intérior Design. Cette oeuvre fera partie de mes 5 créations éditées et réalisées par cette galerie new yorkaise, qui seront exposées cet été au côté d’autres artistes designers des collections Ralph Pucci, dans le Pavillon Oscar Niemeyer du Château La Coste.

Quels sont les matières que vous préférez dans vos créations et pourquoi ?
J’aime le bronze, pour les torsions que je peux exercer aux formes étirées, élégantes, sensuelles et tout à la fois rigides et résistantes. Le travail du verre par les maîtres verriers de Murano me fascine également ; La lumière s’infiltre peu à peu et cette matière semi liquide se solidifie en transparence. J’aime le marbre, pour sa densité. J’aime les sons qui ressortent de toutes ces matières lorsqu’on les travaille. J’affectionne particulièrement les associations de matières improbables telles que le bois encerclé de bronze ; Le buffet ARIA en est l’illustration. J’aime les formes libres de la table RUBAN : un ruban de bronze délicat supporte le plateau en pâte de verre épais et lourd.

Paul Mathieu, par quel processus passez vous pour créer ?
Tout d’abord je réalise des croquis libres et puis je les observe et enfin je décide. Je leur donne les dimensions de base tout en restant attentif aux contraintes possibles en fonction de la pièce. J’aime créer des formes qui remplissent une fonction usuelle, tout en leur insufflant leur propre histoire, leur identité (continue de vivre). J’y retrouve alors l’inspiration originelle à laquelle je donne libre cours, lors de mes premières esquisses de croquis. l L’approche des contraintes techniques au cours de mes échanges avec les différents artisans m’inspire au plus haut point ; et bien sûr, l’émotion est par-dessus tout, un des moteurs essentiels dans le processus de mes créations.

ÉMOTION, RÉACTION, INSPIRATION.

⁠Quel est le projet qui vous a le plus excité dans votre carrière de designer international ?
Travailler et développer des collections avec une marque italienne de luxe prestigieuse pour Alberto Vignatelli, le créateur de Fendi Casa et Trussardi. C’était comme si je travaillais pour une maison de couture. Bien sûr, le projet de l’Église de la Madeleine à Aix-en Provence, qui m’a été confié en 2004 a été pour moi une véritable expression artistique au-delà de la fonction pratique, puisqu’il s’agissait de projeter mon inspiration créatrice profonde dans des éléments usuels liturgiques. Ce projet m’a permis de développer des connexions profondes avec les maitres artisans d’excellence, fondeurs, sculpteurs, souffleurs de verre, bijoutiers même, provenant des quatre coins du monde, tout comme les matériaux, le bronze en France, le verre soufflé de Murano, le marbre et le cristal de roche du Rajasthan; Pour la conception de l’autel de l’église de la Madeleine, j’ai utilisé un marbre qui provient de la carrière dont est fait le Taj Mahal. Partir à la source même dans les carrières de Makrana, rechercher le matériau qui convenait le mieux, travailler avec les maîtres verriers pour concevoir le lustre de la Madeleine, et le moment où les pièces furent assemblées furent pour moi une expérience unique et féérique. La création intérieure du GYAN Museum à Jaipur a été également une mission incroyablement inspirante ; Dans un espace minimaliste, épuré, les collections anciennes côtoient les collections contemporaines. Une expérience unique, récompensée par le prix AD50 en 2017. Le Musée Gyan est un instant suspendu dans le temps, un immense espace de marbre blanc, dénué de tout objet, autre qu’une statue de Ganesh en jade. Puis, on pénètre dans une pièce circulaire de type mantra où tout est absolument gris anthracite, recouvert de chaux grise anthracite et le sol, de marbre gris. Cela représente 3000 ans d’histoire avec 2500 pièces de collection présentées dans des volumes de verres épais.

La Table Ruban

Le Musée Gyan à Jaipur (Inde)

Paul Mathieu, de toute votre carrière incroyable, quelles sont les collaborations qui vous ont le plus marqué ?
De toutes mes collaborations, celle qui m’a le plus marqué fut ma collaboration avec Andrée Putman, cette grande dame du design international et de l’architecture d’intérieur. C’est avec elle que j’ai créé mes premières collections, avec mon partenaire de vie et de création de l’époque, Michael Ray créateur de mode. Notre rencontre avec Andrée Putman s’est faite grâce à notre première création pour le SAD, le Salon des Artistes Décorateurs, à Paris en 1987 ; C’était une chaise en aluminium que nous avions baptisée ICE, elle était conçue comme un igloo. Andrée Putman fut séduite par cette chaise au point de l’acheter. Elle est aujourd’hui une pièce iconique, en exposition dans l’appartement de l’architecte Auguste Perret. Elle a d’ailleurs été publiée dans le magazine AD… Début des années 90 a suivi une collection complète à partir de nos créations d’intérieur et design, au Château Marmont à Los Angeles, cet hôtel de luxe mythique, monument historique et culturel. A travers la collection appelée Château, Andrée Putman nous a alors introduits auprès de la Galerie internationale Ralph Pucci où certaines pièces de mes collections de l’époque sont toujours présentes parmi mes collections actuelles.