Château Thuerry, l’exception au naturel

Isabelle Dert Bono

Château Thuerry c’est avant tout un vigneron qui a posé ses pas dans ceux des premiers vignerons de Provence. Ici les vignes plongent leurs racines dans un terroir choisi par les templiers de la grande commanderie du Ruou, et par les romains avant eux.

Deux siècles avant Jésus Christ, leurs légionnaires ont bâti les restanques de pierres sèches qui façonnent le paysage de ce cirque naturel dédié au vin, aux oliviers et à la production de terre cuite sous toute ces formes. En découvrant ce lieu d’histoire mêlant la terre et les hommes à travers les âges, le contraste entre la majestueuse bastide rouge du XIIème siècle et le chai ultracontemporain est saisissant.

Nichés à l’entrée du Parc Naturel du Haut-Var-Verdon, au cœur d’un terroir exceptionnel propice à l’élaboration de grands vins, les 300 hectares argilocalcaires de Château Thuerry culminent à 400m d’altitude. Ils ont la particularité de se déployer sur trois communes et trois appellations : Villecroze classé en AOC coteaux varois en Provence, Flayosc en AOC Côtes de Provence et Tourtour en IGP coteaux du Verdon. Alliance subtile de méthodes ancestrales et de modernité, les trois cuvées de caractère attachées à chacune de ces appellations se déclinent dans les trois couleurs avec 50% de rouges, 35% de rosés et 15% de blancs.
Sur cette terre prédestinée, Jean Louis Croquet développe son vignoble en accord avec son désir d’être au plus près de la nature. Rencontre avec un amoureux du terroir et des grands crus, passionné de vin et de rugby.

Vous produisez un vin Nature depuis 3 ans, votre vision du vin a-t-elle évolué depuis 1998 ?
Cela fait 50 ans que je suis vigneron, 25 ans le week-end à Chablis quand j’étais encore dans les statistiques, et 25 ans à plein temps à Thuerry. On ne fait plus le vin comme on le faisait il y a 50 ans, ni comme on le fera demain. Mon équipe a été reformée autour d’Olivier Félis, directeur technique et œnologue d’origine bordelaise, à la genèse de ces vins nature qui se développent avec succès.

Qu’est-ce qu’un vin nature ?
Le vin « nature » est défini sans intrants œnologiques ni sulfites, et produit avec des vignes cultivées en agriculture biologique. Les raisins récoltés à la main, en légère sous maturité, sont directement pressés à l’abris de l’air. On évite ainsi les phénomènes d’oxydation préjudiciable à la qualité. Les jus légèrement clarifiés vont fermenter grâce aux différentes levures naturelles présentes sur la peau du raisin. L’hygiène ainsi que la qualité de la vendange sont primordiales. Il faut être méticuleux. Nous suivons le développement de la fermentation comme le lait sur le feu par des analyses quasi journalières. Ne perdons pas de vu que, sans l’intervention de l’homme, l’aboutissement naturelle de la transformation du raisin par des levures et des bactéries, c’est le vinaigre. Les produits œnologiques et notamment les sulfites permettent de guider la vinification des vins conventionnels, qui, sans aucuns défauts, ne reflètent pas toujours l’identité du terroir. Avec les vins nature, nous avons des vins équilibrés naturellement d’une grande complexité. Ces vins vivants ont une âme. Il faut aussi parfois accepter qu’ils se dégustent différemment selon l’influence de la lune ou de la météo. Curieusement, on pensait que ces vins s’adresseraient plus à des clients amateurs et connaisseurs. Aujourd’hui, on se rend compte que même des non-initiés s’y intéressent. Le consommateur est plus sensible aux produits artisanaux sans artifice et donc aux vins sans sulfites et sans intrants. De plus, ces vins « nature » nous enseignent qu’il faut améliorer nos sols, redonner de la vie microbiologique. Nous y travaillons en évoluant vers la Biodynamie. Olivier Félis souligne : La réglementation qui nous interdit de faire référence sur l’étiquette aux mots nature et naturel, ouvre la porte à différents labels développant leur propre cahier des charges, ce qui ne nous facilite pas la tâche.

Comment ressentez-vous le manque d’eau ?
La diminution est constante depuis 5 ans. Cependant, comme le pense Olivier, la vigne a une certaine résilience à la sécheresse. C’est le volume de la récolte qui sera impacté, pas la qualité. D’ailleurs les grands millésimes sont souvent des années chaudes et sèches. La priorité est de maintenir nos vignes enherbées avec des semis. Avoir un sol vivant avec beaucoup d’humus permet retenir beaucoup plus d’eau de pluie. Si on prend soin du sol en le gardant en bonne santé, il prend soin de la vigne. On ne peut plus raisonner sans changer nos comportements. Il faut écouter les scientifiques qui nous alertent et adapter nos nouveaux vignobles.

Comment voyez-vous la suite ?
La Provence est le vignoble le plus dynamique de France, ce qui n’était pas le cas il y a 50 ans. De grands groupes industriels veulent faire du rosé le nouveau champagne ! Ils ont tout intérêt à sortir de bons vins et mettront des gens très compétents pour en produire des millions. Mais les vins exceptionnels ne se vinifient jamais en million de bouteilles. J’ai 80 ans, j’apprécie de mieux en mieux les vins, car l’expérience est totalement irremplaçable dans ce métier. J’aime déguster, vinifier, discuter du vin. J’aime faire le vin avec l’amour du cépage. Ces grands groupes vont ouvrir des marchés, notamment auprès des jeunes qui vont apprendre à déguster. Et nous les ferons monter en gamme par nos vins qui ont du goût et qui respectent le terroir. Avec Olivier, tout notre travail est dans cet esprit : peu de vin, sans intrant, mais très qualitatif.

Château Thuerry a su évoluer et s’adapter pour traverser les âges, comme en témoigne Une Thuerry, le nouveau millésime nature que Jean Louis Croquet nous fait déguster. Assis à l’ombre des platanes centenaires face à un océan de vignes, dans ce paradis où les gens font leur métier avec la même passion que le propriétaire des lieux, il conclut : « Le bonheur c’est comme le bon vin, ça se partage ! »

Le vigneron officiel de Marie Antoinette

Quand Alain Baraton, célèbre chef jardinier de Versailles, décide de replanter la vigne dans le hameau de Marie Antoinette, il choisit Jean Louis Croquet, quasiment né sur les lieux, pour vinifier le vin. Dans ce célèbre jardin où tout traitement chimique est proscrit, la mini ferme est surtout un lieu éducatif.

La cinquantaine de bouteilles de rosé vinifié par Château Thuerry est un hommage au vin clair servi à la table de la dernière reine de France « qui le buvait peut-être avec un glaçon en forme de cœur « sorti de son réfrigérateur ».

Les Cuvées

  • Exception Coteaux du Verdon
  • Abeillons Coteaux varois en Provence
  • et Une Thuerry en vin de France nature