CHAQUE CHEMIN EST UNE RENCONTRE

François Ravello, derrière la porte de l'atelier

Par Isabelle Dert Bono

« Un enfant du Lavandou » : c’est ainsi que François Ravello était affectueusement identifié par les anciens du village, lorsque l’artiste voyageur revenait aux sources et s’installait pour quelques jours ou quelques mois dans la maison de ses grands parents, très justement située Rue Patron Ravello, en hommage au grand père patron pêcheur qui sauva des vies une nuit de tempête. Comme son grand père, François Ravello aimait la mer. Tout jeune, trichant sur son âge, il s’embarqua comme fusilier marin à Alger pour défendre son pays et vivre l’aventure. Quelques années plus tard, la guerre d’Indochine le propulsa vers l’Asie. Démobilisé à vingt ans, François Ravello entama des années de voyage à bord des paquebots des Messageries Maritimes. C’est ainsi qu’il découvrit le monde, fit escale à Tahiti et y posa définitivement son sac en 1958.

Il aimait les îles: la Corse dont sa mère était originaire, les îles polynésiennes où il choisit de vivre. Exerçant tous les métiers, ne travaillant que pour le nécessaire, François Ravello bourlingua dans le Pacifique, fut instituteur à Nuku Hiva, barman à Rangiroa, avant de s’installer à Moorea avec sa femme et ses deux jeunes enfants. François Ravello était un merveilleux conteur. Avec le sourire il remontait aux origines de sa vocation artistique, lorsqu’enfant il dessinait avec pour seules couleurs le bleu et le rouge des crayons bicolores au rebut, que son père lui ramenait du bureau. A Tahiti, voisin et ami de l’artiste Jean Masson, il fut encouragé à peindre et fit sa première exposition en 1964. La série de toiles représentait pour l’essentiel les Polynésiens dans des scènes du quotidien. François Ravello aimait peindre le vivant, avec tendresse, avec humour. Son succès auprès du public et des collectionneurs fut immédiat à Tahiti et s’étendit à l’étranger. Son style s’affirma, caractérisé par une économie de traits pour un dessin vigoureux et expressif, des aplats de couleur cernés de noir et travaillés au couteau, des tons lumineux. Commencent alors des années fastes et heureuses. »

François Ravello vivait dans la joie de peindre et la chaleur des amitiés. L’atelier était le coeur de la maison.Travailleur et passionné, l’artiste commençait ses journées avant l’aube. Les sujets polynésiens sont restés une infinie ressource d’inspiration, mais François Ravello composa également de nombreux tableaux oniriques, dévoilant tout un univers de poésie et de fantaisie. Il fut un artiste éclectique, s’initia à l’art du vitrail lors d’un séjour à San Francisco, réalisa pour la façade d’un immeuble de Papeete une grande mosaïque sur le thème de l’arrivée de la Bounty, travailla également la sculpture et le bronze, joua avec les matières en mixant collage et peinture.

En collaboration avec son marchand Patrice Bredel, il développa une oeuvre lithographique importante à partir des années 80. Jusqu’à sa mort en 2001, il fut un artiste reconnu, régulièrement exposé à Tahiti, en France et au Japon. Cette année là fut organisée en hommage l’exposition posthume de ses dernières lithographies à la mairie du Lavandou. François Ravello a laissé au monde plus de deux mille oeuvres et le souvenir inoubliable d’un homme hors normes. Deux livres écrits par Sylvie Couraud aux éditions le Motu entrent dans le détail de quarante années de création: « Ravello, sa vie, son oeuvre », et « Par la porte de l’atelier ».

Crédit photo : 
Christian ZUBER