Un danseur-étoile désormais plasticien

Par Clothilde Monat - www.storytelling-factory.fr

Crédit photo : ©Vapor hors série

Installé dans une jolie demeure provençale, en bordure d’un bois de chênes et entouré d’animaux qui évoluent avec nonchalance, Jean-Charles se protège des valeurs convenues que prône notre société, comme la vitesse ou la performance. Il cherche au contraire cette sérénité que l’on n’acquiert que dans la solitude, un autre rythme temporel. La nature ne nous renvoie-t-elle pas à l’essentiel? Les questionnements peuvent alors naître : Comment faire des chaussons de danse un matériau de création artistique ? Un imaginaire de danseur peut-il être prétexte à partage d’émotions ?

Le premier sujet que travaille cet artiste, c’est son monde intérieur, sa vie de danseur-chorégraphe qui a parcouru le monde et réalisé moultes projets ambitieux. Fort de cette démarche de plasticien acquise lorsqu’il modelait son chausson à son pied dans les coulisses de quelque prestigieux opéra, il a fait de ses demi-pointes ses pinceaux ! Ses compositions racontent le monde de la danse, esquissent la grâce d’un corps de ballet derrière ces amalgames réalisés à la manière d’un Armand ou d’un César. Pour autant, en présence des œuvres, chacun construira son histoire : « Je suis là pour proposer différentes visions », explique cet esthète, qui, en tant que chorégraphe a longtemps façonné l’espace, cherchant à imprimer sur scène « un désordre organisé ».

Crédit photo :
Confinement _ Acte I – 60 x 60 cm – 2021

Une impression plutôt joyeuse se dégage de l’œuvre, une reconnaissance du plaisir de vivre si l’on en croit l’artiste lui-même : « La danse, c’est une démarche qui exige un déplacement perpétuel, c’est la vie ! ».

N’est-ce pas proposer une image de l’homme, heureux d’avancer « pas à pas » ?
Depuis peu, Jean-Charles cherche aussi à témoigner. « Marioupol » est un hommage rendu à la ville ukrainienne et à ses habitants. Les teintes rappellent celles de « Guernica », d’insolites ajouts comme des balles, de l’huile de vidange, viennent salir les mythiques chaussons, pour déplorer les destructions subies par la ville, en 2022.

L’artiste reste cependant optimiste. « Confinement » illustre ainsi dans une moindre mesure, un épisode malheureux de notre récent passé, mais cette triste expérience de
« reclus », semble réinterprétée pour affirmer des valeurs de solidarité : les lacets des chaussons, reliés par un seul nœud, ne servent-ils pas alors à dessiner symboliquement notre conscience collective ?

Crédit photo :
Marioupol – 120 x 150 cm – 2022

« L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. »,

écrivait Camus. Jean-Charles Gil incarne cette belle définition, lui qui exprime des émotions communes aux hommes, tout en cherchant à retranscrire l’unicité de son parcours par la magie de l’art…