Le Rosé

L’alchimie à l’œuvre

Par Anne Cécile AUDRA

Et si l’on vous contait la fabrication du rosé en dévoilant ses mystères ? Comment, à partir de grains à la peau noire et au jus incolore, obtient-on une couleur rosée si spécifique ? Entre science agronomique et biochimie, gestion des températures et dégustation avant assemblage, l’art du rosé se tisse depuis des générations. C’est un savant équilibre émotion et science, qui donne aux vins de Provence une signature unique.

Ici la vendange, c’est la nuit

ux plus fraiches heures du petit matin, commence le ballet des vendangeuses, affairées à récolter les grains gorgés du soleil de la veille. Au cœur du mois d’août, quand les températures peuvent être caniculaires, il faut éviter de ramasser des grains trop chauds. Alors, on vendange la nuit. Cette évolution des dernières décennies a permis de maitriser les températures des bennes qui sont débarquées au chai. La fraicheur permettant de ralentir le processus de migration des pigments des peaux dans les jus. Traitées avec délicatesse pour respecter l’intégrité des grains, la récolte est rapidement embarquée dans le processus de vinification, qui va révéler ses arômes et sa couleur si caractéristique.

Pressurage ou macération, un choix très technique

Selon la maturité de la vendange, les cépages vinifiés, leur potentiel aromatique, la proportion au moment de leur assemblage et le profil organoleptique recherché pour le vin, deux méthodes sont utilisées. En pressurage direct, les grains sont éraflés et pressés délicatement dans un pressoir pneumatique, sous température contrôlée. Au contact des peaux les jus se colorent très légèrement et sont mis en fermentation rapidement après débourbage (clarification des moûts) pour une semaine à dix jours. En macération pelliculaire à froid, quand la vendange arrive au chai on réalise l’égrappage puis les grains sont foulés, ils éclatent et libèrent la pulpe, les pépins et le jus. C’est le moût. Il est alors mis à macérer en cuve pendant deux à vingt heures, à basse température proche de 15 C°. Une fois la couleur désirée, le vin est pressé et transféré en cuve inox pour la fermentation. Pour limiter l’altération par l’oxygène, les vins sont conservés en cuve inox, voire en foudre dont les bois vont également apporter leurs tanins plus ou moins puissants. Ils peuvent aussi être élevées sur lies fines pour augmenter encore le potentiel aromatique. A chaque vendange et à chaque vigneron sa stratégie, pour un résultat gustatif et visuel unique.

Assembler pour magnifier

Ce qui caractérise aussi les vins de Provence, ce sont les assemblages de plusieurs cépages caractéristiques. Grenache, Cinsault, Syrah, Mourvèdre, Tibouren (un authentique provençal !) ou encore Cabernet, ils ont chacun leurs forces intrinsèques pour donner de la finesse au palais, une richesse au bouquet ou bien apporter des tanins puissants.

C’est un art que de déguster chaque cépage individuellement après fermentation, pour les associer subtilement, afin de construire les vins de l’année. Comme un nez en parfumerie, les œnologues sont les précieux conseillers des vignerons, qui signeront ensemble les grands vins de Provence.

Crédit photo : FONDACCI/CIVP
Crédit photo : Nuancier / @francoismillo.com