Le portrait engagé

D’HOM NGUYEN

PAR YANET RAMIREZ @PHARE_CONTEMPORAIN

Hom Nguyen, né à Paris en 1972, incarne l’essence même de l’expressionnisme contemporain. Artiste autodidacte, il explore les profondeurs de l’âme humaine à travers un style instinctif et sans complexe.

Sa pensée est aussi hyperactive que ses traits de pinceau, reflétant une créativité en constante effervescence. Son oeuvre, souvent comparée à celle de Lucian Freud et de Yan Pei Ming, révèle un engagement existentiel profond et une volonté de dévoiler la dualité inhérente à chaque individu. Travaillant principalement dans le domaine du portrait, Nguyen se distingue par son trait dynamique et brutal, évoquant la gestuelle intense de Jackson Pollock. Ses toiles sont des témoignages visuels des épreuves vécues, capturant la vérité à travers une intensité profonde. À travers une palette de médiums variés, du fusain à l’huile en passant par le stylo, il offre une exploration sans limites de la condition humaine. Son style, à la croisée de l’expressionnisme occidental et de l’art asiatique, crée un langage visuel unique. Hom Nguyen transcende les frontières culturelles, fusionnant des influences diverses, de la philosophie bouddhiste à la calligraphie, pour créer une œuvre à la fois intime et universelle. Sa peinture, vibrant d’une vivacité contenue, s’exprime comme un langage sans mots, tissant des liens entre les êtres humains et offrant une réflexion profonde sur la nature de l’identité et de la dualité sociale. Né dans une famille d’immigrés vietnamiens, Hom Nguyen a puisé dans ses origines et ses expériences personnelles pour façonner son parcours artistique. Enfant, passionné par le dessin et la peinture, il a dû concilier cette passion avec les exigences du monde du travail dès son plus jeune âge. Sa mère, courageuse immigrée ayant fui le Vietnam dans les années 70, a offert à son fils une vie meilleure en France, pays qui les a accueillis à bras ouverts. Cette histoire marque profondément l’oeuvre de Nguyen, imprégnant chaque trait d’un sentiment de reconnaissance et d’engagement envers la société qui l’a soutenu dans son parcours. Ainsi, derrière chaque coup de pinceau se cache une histoire, celle d’un autodidacte déterminé à faire entendre sa voix dans le tumulte de l’art contemporain.

Entretien avec Hom Nguyen

Par Nadège MOHA

Que raconte votre peinture ? quelmessage nous délivre-t-elle ?
Ma peinture est un paysage, elle parle de l’Homme, de la race humaine. Mon message est humaniste, il évoque le partage entre les peuples et de par mon origine vietnamienne, les peuples de l’Asie du Sud Est. Ma peinture est un travail plutôt figuratif et elle parle de l’enfance, la naissance, le temps qui passe très vite, la vieillesse et la sagesse. Je peins des visages qui sont des paysages, je peins des mains qui travaillent. Ce sont les trajectoires d’une vie, cela ressemble aux trajectoires que trace un avion dans le ciel, d’un point à un autre. Je peins la pudeur des corps. Dans la culture vietnamienne, le rapport au sexe est très intime, pudique, c’est pour cette raison que je peins des portraits. Ils portent une certaine nostalgie dans l’expression des visages. Je peins l’authenticité, la non -violence, le vrai, la paix. Mon travail est un questionnement sur soi et un message d’acceptation.

Vous évoquez souvent l’engagement existentiel dans votre oeuvre. Comment vos expériences personnelles et votre vécu se manifestent – t ils à travers votre oeuvre artistique ?
Lorsque ma mère a quitté le Vietnam pour se réfugier en France dans les années 70, elle ne parlait pas un seul mot de français, mais elle a compris que la France serait une véritable ouverture, une chance pour nous. Le peuple français nous a tendu les bras et nous avons été accueillis comme des enfants adoptés, ma mère et moi. Nous nous sommes sentis redevables envers ce pays, avec la durement. Enfant, J’étais déjà passionné par le dessin et la peinture, mais je me suis attelé en priorité au monde du travail, je me levais très tôt le matin. Aujourd’hui encore, j’ai gardé cette habitude de me lever toujours très tôt le matin pour peindre. Puis j’ai croisé sur mon chemin de vie la Légion Étrangère dont la seule valeur est celle de défendre la France, c’est pour cela que, nous sommes très proches. J’ai un projet d’exposition en cours au musée de la Légion étrangère, j’oeuvre également pour les Invalides. Mes engagements sont toujours liés à mon histoire personnelle, c’est quasi existentiel pour moi. Je participe à beaucoup d’oeuvres caritatives, je fais beaucoup de donations pour l’Armée. Je suis très impliqué également pour Les Enfants du Mékong, une ONG dédiée à des enfants de l’Asie du Sud Est, en situation de vulnérabilité sociale et financière. J’ai la sensation de me retrouver en eux car enfant, j’ai connu le manque d’argent et la pauvreté. Dernièrement J’ai réalisé une vente caritative pour cette ONG à laquelle j’ai reversé la totalité des fonds. Cet engagement traduit mon expérience personnelle, il raconte ma propre trajectoire. C’est un pont sur l’humanité.

« L’évidence est dans la volonté de croire en son propre message.

Hom N'Guyen

Comment percevez-vous le rôle de l’artiste dans la société actuelle, et quel message souhaiteriez-vous transmettre à travers votre art au monde d’aujourd’hui ?
Hom nGuyen : Pour moi le rôle d’un artiste est de transmettre, de partager et de questionner sur la valeur du « moi » profond. C’est un message de paix que je veux transmettre. J’ai dessiné un grand portrait de Madame Simone VEILL, c’est une femme pour laquelle j’ai une grande admiration, elle est un symbole pour la France. Je l’ai dessinée en bleu car la couleur bleue est la couleur de la paix. Et la paix est un sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Parlez-moi de votre technique artistique :
Hom nGuyen : Lorsque je voyage en Asie, je prends des visages en photos, je colle ces photos au mur puis je les peins. Je peins également des visages que je crée de toutes pièces mentalement. C’est de la fiction pure. L’Asie est un pont très intéressant, car c’est une civilisation non violente. Ma technique est un crayonné, un gribouillage spontané, on part de quelque chose d’abstrait, d’imprécis, et comme un drone qui s’éloigne on aperçoit un visage, qui se dessine au fur et à mesure : c’est celui de l’Asie. Ma peinture est une esquisse qui n’est jamais achevée, l’expression est bien là mais mon dessin n’est jamais fini. J ’utilise du fusain, de la pierre noire, de l’huile, de la craie, du stylo bille, de la gouache. Je peux travailler à l’horizontale ou bien à la verticale, sur de très grands murs. Cela me permet d’avoir assez de recul, je rajoute de la matière, c’est comme un puzzle et c’est à chacun d’imaginer la suite avec son regard personnel. 

Vous êtes un artiste totalement autodidacte, comment est né en vous ce style instinctif et sans complexe ?
Hom nGuyen : C’est inné, déjà gamin, depuis l’âge de 7 ans, je dessinais sur les tables, les fins de cahier. La peinture est arrivée plus tard, j’étais plutôt un bon élève dans les matières artistiques. Mon professeur, Monsieur Barthelemy avait remarqué mon aptitude pour le dessin, mais paradoxalement il me disait « Ce n’est pas à travers le gribouillage que tu vas réussir !!! » Comme dans la publicité de Guy Degrenne. C’est après le décès de maman en 2009, que j’ai vraiment commencé à peindre et à vivre de mon art. Aujourd’hui, oui, c’est clairement une réussite. Je suis aussi en train de réaliser un projet important en rapport avec le vin mais je ne vous en dis pas plus !!! J’expose partout dans le monde et je suis en voyage très souvent.

 

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes artistes qui cherchent à trouver leur place dans le monde de l’art ?
Hom nGuyen : Je leur conseillerai d’être passionnés, d’être à fond dans ce qu’ils font, de travailler à 200 pour cent, de ne pas écouter les autres. Il ne faut pas chercher la réussite à travers l’argent, La réussite ce n’est pas l’argent, c’est la passion, c’est cette ivresse de vouloir proposer quelque chose à travers ce que l’on est, face à son propre miroir. C’est un dialogue entre soi et soi. Il n’y a pas de réussite, sans galère. Lorsqu’on galère c’est qu’on est déjà sur la bonne voie.

L’influence de peintres tels que Lucian Freud et Yan Pei-Ming est perceptible dans votre esthétique. Pouvez-vous nous parler de la parenté artistique que vous ressentez avec ces maîtres contemporains, et comment cela se manifeste-t-il dans votre expression artistique ?
Hom nGuyen : Merci pour la comparaison. Les oeuvres de Lucian Freud m’influencent par la représentation des corps, de la chair et de ces portraits d’anonymes. J’aime cette déconstruction de l’humain et cette composition du corps. Les sujets de Yan Pei- Ming eux sont tout aussi intéressants car ils nous parlent de l’histoire, de la guerre et de personnalités. J’aime ce noir et blanc qui est extraordinaire par sa simplicité et j’aime sa peinture très épaisse. Ils m’ont appris à manipuler la matière et les couleurs

Votre collaboration avec Franck Muller a débuté avec l’acquisition d’une montre il y a vingt ans. Pouvez-vous partager un souvenir particulier lié à cette montre et expliquer comment les objets du quotidien vous inspirent ?
Hom nGuyen : L’histoire est assez dingue, j’avais 20 ans, j’étais fan des montres Franck Muller. C’est sur une vente aux enchères E bay et pour 500 francs que j’ai acheté ma première montre, une Master Banker. Un jour, j’ai eu besoin d’argent. Un restaurant du 6 eme arrondissement, le restaurant Positano me rachète cette montre avec un an de pizza gratuite en échange !!! Plus tard, j’ai revu Philippe, le propriétaire de cette montre. Elle était toujours en sa possession, je la lui ai rachetée. Je l’ai offerte à Hervé, mon ami et assistant !!! Cela m’a porté chance puisque quelques semaines plus tard, la maison Franck Muller, m’a contacté et m’a proposé de faire une collaboration ensemble pour créer une montre. C’est une incroyable coïncidence !!!

J’ai fait une promesse à ma mère, celle de l ’honorer et de rendre hommage à la France, ma terre d’accueil.

Hom N'Guyen

Parlez-moi de vos derniers projets ?
Hom nGuyen : J’ai fait également une collaboration avec McLaren, pour sa dernière voiture LA ELVA, avec la fondation Focal arts, avec des hôtels. Je viens de réaliser un timbre en hommage aux 100 ans de Charles Aznavour, à la demande de la fondation Aznavour. Je suis en train d’éditer un livre chez Robert LAFFONT. Ce livre sera une autobiographie.

Quel est votre lien avec la Provence ? Avez-vous une anecdote en lien avec Le Sud ?
Hom nGuyen : Lorsque j’étais gamin, je suis venu dans le Sud de la France en voiture, mais sans permis de conduire !!! J’ai découvert Aix en Provence que j’ai beaucoup aimé, je rêverais d’y avoir une maison. J’ai beaucoup aimé le Var aussi, Cogolin surtout où j’avais été reçu dans une famille, j’en garde un souvenir ineffaçable, j’ai aimé Grimaud, et Saint Tropez, mais hors saison.

Avez-vous un projet fou, un rêve que vous aimeriez réaliser ?
Hom nGuyen : Je vis déjà un rêve éveillé : je vis de ma passion, je fais des voyages extraordinaires avec mes enfants et j’ai une épouse formidable. Un projet fou ? Peut-être celui de créer des écoles d’art pour les défavorisés.