« Les Musicales dans les Vignes de Provence - 10ème anniversaire »

Michel Pellegrino ou comment avoir plusieurs cordes à son art !

Par Clothilde Monat / Storytelling-factory.fr

Qu’aimez-vous dans votre métier de musicien ?
Michel Pellegrino : (Léger soupir). Ah !l y aurait tant à répondre! … Je pourrais vous parler de la découverte du répertoire ou d’autres spécificités qui n’intéressent que les musiciens! Mais, ce qui me semble essentiel, c’est le partage, partage avec le public et avec les autres artistes. Echanger avec les autres c’est laisser la vibration s’installer, donner la priorité à ce que l’on peut ressentir ensemble. On parle le même langage et comme le public est toujours renouvelé, cela fait des expériences différentes à chaque fois.

Vous êtes l’un des plus fidèles partenaires du festival « Les Musicales dans les Vignes de Provence ».
Pourquoi cet engagement ?

Michel Pellegrino : Je me suis trouvé au départ dans une situation qui me permettait d’aider Marie-Jeanne. En effet ,à cette époque, je vivais une parenthèse dans ma vie puisque j’étais adjoint à la Culture, au sein de la mairie d’Hyères. J’avais aussi des responsabilités à la métropole TPM en tant que Conseiller Communautaire et à la Direction Régionale de la Culture. Ces activités m’éloignaient de la musique et j’en souffrais. C’est alors que j’ai rencontré Marie-Jeanne qui voulait promouvoir son projet dans le Var. Or, j’avais commencé à faire quelques concerts chez des amis qui avaient des domaines viticoles. Marie-Jeanne aussi, de son côté avait organisé des premiers concerts, selon ce même principe. Pour que le festival puisse se développer, il fallait contacter des musiciens. Et comme le festival fonctionne sans subventions, les artistes devaient accepter nos propositions ! Nous avons donc commencé avec quelques concerts, surtout du jazz manouche. Et je me suis retrouvé à promouvoir le festival !

Vous avez fait le tour du monde. Que vous ont apporté vos voyages ?
Michel Pellegrino : Effectivement, j’ai eu la chance de voyager dans le monde entier, de proposer des concerts et des masterclasses ou d’intervenir dans les conservatoires et les écoles de musique. C’était très éprouvant. Les tournées étaient de 21 jours, et je jouais dans 18 villes différentes !

Mais quelle richesse de pouvoir rencontrer d’autres musiciens, en Chine, en Australie, au Japon, en Russie, aux USA ! J’ai toujours eu de formidables surprises avec des gens que je ne connaissais pas mais avec lesquels j’ai partagé de grands moments d’émotion. Voyager permet de voir la musique d’une autre façon, de l’enseigner avec des approches renouvelées, d’avoir des considérations élargies autour de l’art. C’est l’occasion d’ouvrir son esprit. On est aussi obligé de rester dans l’humilité car les personnes différentes nous surprennent toujours. C’est passionnant aussi de constater l’importance des standards. Toutes mes tournées m’ont appris qu’ils sont une formidable occasion de relier les gens entre eux. Dans le monde, si vous lancez « Georgia » « Autumn Leaves » ou « Ipanema », le public connaît. C’est en quelque sorte un inconscient collectif qui se manifeste, libérant l’émotion commune que l’on a tous en nous !

Vous êtes un artiste assez éclectique. Qu’est-ce qui relie vos passions entre elles ?
Michel Pellegrino : Ah ! C’est une bonne question ! … Ce qui relie mes passions, c’est justement la passion ! J’ai eu la chance de pouvoir faire de la musique de chambre, d’écrire des livres-disques illustrés, j’ai rédigé de nombreuses méthodes aux Editions Henry Lemoine (plus de 25 ouvrages). Quand on ne se spécialise pas dans un domaine, on est obligé d’être bon partout, sinon, on est critiqué. Je ne me suis jamais interdit des expériences. Par exemple, j’ai créé le festival de l’Anche, à Hyères, en 2000. Mes livres-disques – Le Chant du roseau, L’Ile d’or, et L’Ame de la terre, utilisaient le même matériau avec lequel on fabrique les anches, la canne de Provence. Ces écrits comportaient des poésies, des chansons, des créations. J’ai proposé des ateliers dans des médiathèques pour que des artistes découvrent ces dessins à l’encre et la canne de Provence. J’ai organisé aussi des expositions avec ces oeuvres. Le désir de créer vient par période, il ne faut pas s’interdire de le vivre. Parfois, il faut être un peu foufou, tenter des expériences, agir de façon irraisonnée. Quand on donne un concert de grands standards du jazz, on est sûr que cela va plaire. Quand on fait de la création, c’est un gros risque !

Il vous est arrivé de partager votre piano avec un jeune musicien, après un concert. Quel message souhaitez-vous transmettre aux artistes en herbe ?
Michel Pellegrino : La musique c’est de l’émotion, donc c’est très simple : il faut que cela reste simple. On rencontre toujours des gens qui jouent mieux que soi. Le message, c’est l’humilité. Ne pas se laisser prendre aux sirènes qui vous annoncent que vous serez un grand artiste ! Travailler très sérieusement, avec passion. On peut avoir la tête dans les nuages, rêver, mais il faut garder les pieds sur terre, travailler avec constance ! Comme je le disais précédemment, on formate les élèves pour les préparer à des carrières de grands solistes, mais en réalité il y en a peu qui rejoindront les grandes scènes internationales !. Il faut donc trouver son propre chemin, ne pas se laisser piloter par les autres, résister à l’entourage. On a vite fait de créer une légende autour d’un jeune artiste. Mais les plus grands n’ont pas d’ego démesuré : Rostropovitch, Daniel Barenboim, Michel Portal… sont des gens très simples.

Quels musiciens souhaiteriez-vous voir invités au festival ?
Michel Pellegrino : Je n’ai pas de désir particulier à ce sujet. Le principal c’est que le musicien adopte cette philosophie qui privilégie l’envie de partager, qu’il puisse exprimer ce qu’il ressent, qu’il aime raconter de belles histoires. Il faut que ce soit quelqu’un qui soit riche intérieurement, qui se contente des joies que procure la musique, du bonheur que génèrent les concerts. L’important, pour le festival, est d’inviter des artistes qui vont, à leur tour, créer de l’intimité avec le public, avec les autres musiciens. C’est essentiel pour apprécier la subtilité de ces moments que nous offre «Les Musicales dans les Vignes de Provence.»

Crédit photo : @Claire Penot