éDITO

PROVENCE

Yoyo Maeght

Provence, 8 lettres pour un si vaste sujet !
Mes premiers souvenirs de Provence ne sont en rien liés à des paysages, des lavandes, le mistral ou des fruits gorgés de soleil. Car une région, c’est totalement abstrait pour une enfant, alors qu’un livre ! On peut s’en emparer, alors moi, je me suis appropriée Provence. Provence était, pour moi, un mot sacré, celui d’un tout petit livre à l’immense contenu. Il était à la dimension de mes joujoux mais ouvrait sur l’esprit des poètes surréalistes. Provence Noire, est un petit livre sur la Méditerranée illustré par André Marchand avec des textes de Paul Eluard, Raymond Queneau, Antonio Machado… édité en 1946, je l’avais découvert dans la bibliothèque de mon grand-père, Aimé. Oh oui que je l’ai aimé ! Et puis, j’ai trouvé un autre Provence Noire, celui-ci de 1955, écrit par un sacré bonhomme, un Saint-paulois pure souche, un poète, peintre, musicien, ami des artistes, André Verdet.

Son histoire est peu banale : En 1936, rapatrié de Chine, malade, il est soigné à Briançon où il rencontre Jean Giono qui guidera ses premières lignes. De retour à Saint-Paul-de-Vence, il se lie d’une amitié qui ne sera jamais démentie avec Jacques Prévert. La guerre le précipite dans la résistance, héroïque, arrêté, il ne livrera pas ses copains ! Il est déporté avec Robert Desnos au camp d’Auschwitz puis à Buchewald. Picasso, que Prévert lui a présenté, le pousse à persévérer en peinture.

Ce qui lui fera dire que Giono l’initia à l’écriture, Prévert à la poésie et Picasso à la peinture. Il se lie d’amitié, une amitié artistique avec Fernand Léger, Georges Braque, Marc Chagall, Henri Matisse ou Jean Cocteau, mais aussi, et pour la vie avec Jorge Semprun. En 1955, il publie «Provence Noire», Picasso en fait la couverture originale. Lui qui a sillonné le monde a choisi de parler de sa Provence, de la sublimer par les mots, de la chérir. Il reste un poète de l’amour et de la Provence. A Saint-Paul, je le voyais tous les jours, son grand sourire brillait parmi les boulistes de la célèbre place au sable ocre, devant la Colombe d’Or.

Il était aussi de tous les vernissages de la Fondation de mon Papy, de toutes les discussions enflammées où l’accent marseillais du sculpteur César rivalisait avec le mélodieux phrasé du Russe Chagall, ou les intonations percutantes de l’Espagnol Picasso répondaient à la voix inoubliable de l’Américain James Baldwin. Pourquoi étaient-ils tous là ? Car tous avaient choisi de vivre, de respirer Provence. Tous étaient liés par cette terre, cette culture, cet esprit, cette religion, ce ciel, ce vent qui peut rendre fou, cette cuisine et ces vins, tout ce que la planète nous envie. 
Voilà, maintenant, je sais ce qu’est Provence pour moi. Cet esprit, je le retrouve ici, où Art, beauté, délices et amitié se retrouvent grâce au talent de Nadège Moha. Un bonheur rare que de se balader dans ces pages !