Les produits du terroir

A la recherche du diamant noir

Par Isabelle Dert Bono

Avec ses plateaux calcaires, ses pluies de printemps abondantes, son
climat sec et chaud aux saisons bien marquées, la Provence est une terre de truffes depuis l’Antiquité. Au cœur de l’hiver, le diamant noir du Haut Var et la délicate truffe blanche du Verdon en été, brillent sur les tables gastronomiques comme dans la plus simple des cuisines paysannes.

Un peu d’histoire

Aups est la plaque tournante de la tuber melanosporum du Haut Var. Chaque jeudi, de fin novembre à début mars, les rabassiers amènent leurs récoltes sur son célèbre marché. Au Moyen-âge, les milieux naturels seigneuriaux étaient réglementés pour protéger les ressources des bois. Ces espaces non-cultivés faisaient vivre bucherons, charbonniers, coupeurs de lavandes et de buis, bergers, et rabassiers scrutant le pied des chênes et noisetiers à la recherche de la mouche marquant l’emplacement du précieux butin. Ces derniers suscitaient des jalousies, gagnant plus avec leurs récoltes sauvages dans les collines qu’avec ce qu’ils cultivaient dans leurs champs. Pourtant, longtemps les paysans ont eu peur que la truffe ne vienne abimer leurs récoltes et s’en protégeaient en creusant des tranchées. En cent ans, les sites naturels de truffes ont pratiquement disparu. Les terres du village englouti des Salles sur Verdon lors de la création du lac artificiel de Sainte Croix, participaient à cette manne truffière. Prenant conscience du problème, le syndicat des trufficulteurs varois a incité à la plantation de truffières pour assurer l’approvisionnement des marchés mondiaux. Dans les campagnes, les anciens se souviennent de récoltes miraculeuses déballées sur le marché d’Aups, d’autres d’avoir conduit avec le fusil sur les genoux pour protéger les précieux paniers d’indésirables convoitises. Ici, chacun a son anecdote et les histoires de truffe sont parfois épiques. Aujourd’hui c’est le changement climatique qui inquiète. L’équilibre des pluies est un mécanisme fragile, influant directement sur le diamant noir d’hiver et la subtile truffe blanche d’été du Verdon.

Du cavage à la table, tout un art…

La truffe a ses paysages, son langage, ses métiers, ses secrets bien gardés et ses recettes de famille. Paré de sa robe noire terreuse, cet étrange champignon biscornu est connu depuis l’Antiquité. Enfoui bien à l’abris au pied des chênes et des noisetiers, son cavage (déterrage) est un art qui ne s’improvise pas. L’absence de végétation au pied d’un arbre est déjà le premier signe de la présence du tuber melanosporum qui vit en synergie avec son hôte. Certains repèrent encore les chênes truffiers « à la mouche ». En effet, la silla gigantéa pond ses œufs dans la tendre chaire des truffes bien mûres. Le chien prend le relais et ne s’y trompe jamais. Bénéficiant d’un long apprentissage, les chiens truffiers se vendent à prix d’or. Entrainés à reconnaitre ce parfum unique et particulier, regroupant de plus de 70 composants aromatiques, ils ont majoritairement remplacé les cochons pour le cavage. Et eux aussi se régalent de la précieuse rabasse si l’on n’y prend gare. Le rabassier, bien souvent aussi producteur, la proposera sur le prochain marché à la truffe d’Aups jeudi matin. Sentez, soupesez, tâtez, est-elle bien noire, bien marbrée ? Un petit coup de canif pour vérifier, emballé, c’est pesé ! Elle magnifiera votre plat, brillante en lamelles sur une simple tartine de pain grillé avec un filet d’huile d’olive et une pointe de fleur de sel, odorante sous la peau d’un poulet rôti, râpée sur une brouillade, un risotto ou dans une écrasée de pomme de terre, gourmande sur une salade d’asperges et roquette ou dans un pâté en croute… On la mange crue ou cuite, de l’entrée au dessert, comme chez Bruno, restaurant étoilé où la truffe est reine à Lorgues (voir article page…) Aups… Avec son marché de la truffe, sa « Maison de la truffe d’Aups et du Verdon » ouverte en novembre 2015, ses tables gourmandes et sa fête le 4ème week-end de janvier, Aups est l’incontournable halte épicurienne des amateurs de tuber melanosporum. Installée dans un ancien hospice du XVIIème siècle, la Maison de la truffe est entièrement dédiée au diamant noir provençal. Elle propose un parcours ludique adapté à tous les publics.

Outre la biologie, la géologie et la sociologie, son histoire, ses vertus, sa culture et sa commercialisation, on découvre les secrets de figures locales, femmes et d’hommes de truffes aux souvenirs savoureux. C’est tout un univers qui se révèle en plongeant dans cet espace de découverte poly sensoriel sous-terrain. Le visiteur est invité à vivre une véritable odyssée épique et passionnante. Il découvre les beautés de l’hiver provençal du Haut-Var Verdon avec ses trésors dont la truffe est le plus beau joyau. Ce parcours éveil les sens et, dans la chaleur estivale, offre une jolie parenthèse fraicheur. Quant à ceux qui souhaitent une approche plus pointue, des scientifiques de renoms y ont paré à travers un « programme expert ».
La truffe n’aura plus de secret pour vous !

Marché aux truffes d’Aups, en fonction de la production
  • Truffe noire chaque jeudi matin de fin novembre à fin mars
  • Truffe blanche d’été tous les mercredis matin de mi-juin à fin août
  • Un tuyau : elles sont meilleures en milieu de saison !

Truffes fraîches : Crédit photo : M. Bondil
Aups : Crédit photo : Patrick Maury