Gilles de Kerversau, Quand l’anthropomorphisme se fait art...
Par Clothilde Monat - www.storytelling-factory.fr
La grenouille philosophe
Gilles de Kerversau
Crédit photo : Estelle Misbach
A en croire ce sympathique monsieur désarmant de modestie, lui, Gilles de Kerversau, directeur artistique de la galerie « L’Espace KM » ne serait qu’un artisan attaché à modeler la matière. Heureusement, la réputation de ce sculpteur aixois le précède : études à l’école des Beaux-Arts de Paris, Prix de Rome en 1973, longue collaboration avec la cristallerie DAUM, œuvres exposées partout dans le monde …
Gilles de Kerversau travaille beaucoup pour modeler les cires creuses qui deviendront ses bronzes. Sa conception de la création artistique est simple : « Je ne maîtrise pas tout par avance, en travaillant, ça vient, comme par magie. Je suis la main, le messager du cosmos qui m’envoie des idées ». De ce travail sont nés, un jour, des animaux. Et aussi une démarche anthropomorphique. Le lien qui unit l’homme à l’animal engendre un étrange mimétisme qui passionne ce sculpteur. En attribuant des caractéristiques humaines à des chiens ou à des poules, il explore notre humanité … Ses escargots, ses rats, lorsqu’ils sont revêtus de nos atours, ne révèlent-ils pas nos travers ?
Les titres des œuvres rappellent évidemment La Fontaine. Cependant, Maître Kerversau, à son art dévoué, n’entend pas être moraliste. Il est trop malicieux pour cela. Une dose d’humour et le sujet prend forme ! Un soir qu’il passe par la rue du Chat-Qui-Pêche, le nom l’interpelle, et hop ! Il se met au travail. Bientôt naît un bronze à patine polychrome. A l’exception de la «Pintade de La Mode» inspirée de l’idée « croquignolesque » qu’il se fait du milieu, les sculptures s’attachent à présenter une vision du genre humain drôle plutôt que satirique.
« C’est la forme qui m’intéresse. Je fais de la poésie en volume. Je m’amuse à créer des mariages insolites. Ne dit-on pas « Passer du coq à l’âne » ?
La Parisienne
de Gilles de Kerversau
Crédit photo : Olivier Dumonteil
On serait tenté de parler aussi de poésie à propos de cette œuvre, mais l’humour est décidément un trait de caractère dominant de l’artiste. Aussi répète-t-il, espiègle : « C’est la forme qui m’intéresse. Je fais de la poésie en volume. Je m’amuse à créer des mariages insolites. Ne dit-on pas « Passer du coq à l’âne » ? Les contrastes l’égaient et il invente pour ses sculptures animalières des noms-clins d’œil : « la Grenouille philosophe » ou « Le crabe samouraï »…
Justement, « La Grenouille philosophe » a rejoint le château Saint-Pierre de Méjans, après avoir agrémenté les jardins du pavillon Vendôme, à Aix. Cette œuvre appelle le spectateur à dialoguer avec elle, tout comme l’enfant qui, regardant avec envie un manège, choisit sa monture animalière. Une chaise vide placée en face de la grenouille équilibre la sculpture et invite le spectateur à s’asseoir. « C’est plus drôle ainsi, » conclut Gilles, toujours soucieux de donner vie à un jeu de mots, de transmettre l’aspect comique d’un sujet qu’il s’est mis en tête de représenter.
Parfois, les manifestations de tendresse remplacent la parole, et le rapport à l’animal se fait plus émouvant. C’est ce que souhaite aussi le sculpteur : que les spectateurs ressentent une émotion qui leur permettra de s’approprier les œuvres, de jouer avec elles, voire, de les achever.