HISTOIRE DE LA PROVENCE VITICOLE ET TOURISTIQUE

Il y a 2600 ans naissait

le vignoble de Provence

Par Anne Cécile Audra

C’est avec les Phocéens, venus de Grèce, en 600 avant JC, que la vigne entame son périple depuis son bassin originel, la Mésopotamie. En fondant Massalia (Marseille), ils implantent les premiers plants de vignes et domestiquent cette liane pour en faire du vin, dans la lignée des civilisations du Sud, de l’Egypte au peuple hébreu. Premier vignoble de France, par son ancienneté, il est à l’origine des autres terroirs viticoles français. L’histoire des vins de Provence, s’écrit en parallèle de l’Histoire de France.

La Provence, terre de vinification millénaire

Les spécialistes des civilisations et du vin s’accordent à dater l’apparition de la vigne, dès le Néolithique, (il y a près de 12 000 ans), dans une forme sauvage, Vitis sylvestris. Les plus anciennes traces archéologiques de vinification se retrouvent en Anatolie (actuelle Turquie), aux alentours de 8000 ans avant JC. Les scientifiques ont nommé cette espèce domestiquée, Vitis vinifera. C’est la vigne actuelle. Ce sont les Grecs puis les Romains, qui avec le développement de leur Empire jusqu’en Gaule, vont populariser le vin et les techniques de vinification. Et faire de la Provincia Romana (actuelle Provence), leur premier terrain d’expérimentation. La Provence viticole était née.

Un vin clair, épicé et conservé en amphores

Dès le 6ème siècle avant JC, les grandes civilisations grecque puis romaine vont inventer le vin presque comme nous le connaissons aujourd’hui. A l’époque, point de bouteille, ni de bouchons en liège (inventés par les anglais seulement au 17ème s. !). Les raisins sont récoltés assez tardivement, pour faire des vins moelleux et liquoreux, peu titrés en alcool. Ils ignoraient l’usage du soufre dans la conversation et ajoutaient du miel, des épices et même de l’eau de mer (pour les propriétés de conservation du sel). Les cépages utilisés n’étaient pas ceux d’aujourd’hui et comme les Egyptiens en leur temps, les jus ne macéraient pas avec les peaux, donc le vin était clair. Ce qui fait du vin rosé, le plus ancien de tous. Conservé en amphore cachetée mentionnant déjà le nom de la province d’origine, il était transporté sur la Mer Méditerranée, de l’Est à l’Ouest, comme en témoignent les principaux ports de Méditerranée de l’époque : Rhodes, Syracuse, Carthage et Massalia. Puis par les fleuves de Gaule, jusqu’aux bassins aquitains et parisiens.

" La Provence, puis la Narbonnaise, sont les premiers sites de production et de vinification en Gaule romaine. "

De la conquête de la Gaule à l’avènement du Christianisme

La Provence, puis la Narbonnaise, sont les premiers sites de production et de vinification en Gaule romaine. Jusqu’au 5ème siècle et la chute de l’Empire Romain, l’extension de la vigne gagne La Loire, les Monts du Lyonnais, la Bourgogne et s’étend même jusqu’en Belgique. Les invasions barbares au début du Moyen-Age voit le vignoble régresser de façon drastique. Grâce à l’avènement du Christianisme en Europe Occidentale, les seuls à poursuivre la culture de la vigne sont les moines au sein de puissantes abbayes (dont celle de Saint-Victor, Le Thoronet et Lérins en Provence). Ils progressent et maitrisent de manière empirique la fermentation des jus (découverte par L. Pasteur au 19ème s. seulement) à la base de notre viticulture moderne.

L’utilisation du vin dans les rituels religieux lui confère une dimension sacrée, qui va contribuer à sa renommée. Les monastères et seigneurs des cités médiévales poursuivent cette culture et deviennent, grâce au commerce du vin, de puissants pouvoirs locaux. Consommé au fil du Moyen-Âge puis de la Renaissance dans les grandes cours d’Europe, sur les tables des puissants de ce monde, le vin devient un produit incontournable, source de richesses et de pouvoir.

En Provence, les fermes templières, organisées en bastide, favorisent une agriculture vivrière et diversifiée qui installe durablement le vin parmi les cultures locales. Cet ordre de moines-soldats, au retour des croisades (12ème et 13ème s.) va restructurer les anciens vignobles, améliorer la sélection des cépages, développer la culture en terrasses et la canalisation de l’eau. A travers l’Europe Occidentale, ils créent un puissant réseau de commanderies (dont certaines existent encore comme celle de Peyrassol, dans le Var). Et ce, jusqu’à leur disparition tragique en 1308, ordonnée par le Roi de France Philippe IV Le Bel puis de Charles II, Roi de Naples, de Sicile et Comte de Provence.

" En Provence, le terroir est un savant mélange de soleil, de terres calcaires, de mistral et de savoir-faire "

De la notion de terroir

A la fin du 15ème s., l’essor de la bourgeoisie contribue à la croissance de la consommation. Les grands vignobles d’aujourd’hui se structurent pour répondre à la demande. L’invention de la bouteille et du bouchon en liège favorisent la distribution. Les grands explorateurs importent la vigne dans le Nouveau Monde et les lieux de consommation populaire se multiplient sur le vieux continent. La Provence ne fera pas exception. C’est après la crise du Phylloxera (petit puceron originaire d’Amérique) en 1870, qui décimera le vignoble français, qu’apparait la nécessité de travailler sur la qualité des vins, pour une meilleure valorisation. C’est grâce aux réflexions et aux combats de Jospeh Capus, sénateur de la Gironde dans les années 1930, que les bases de la notion de terroir et des vins d’appellations sont posées. Il créera d’ailleurs en 1935, l’Institut National de l’Origine et de la Qualité. En Provence, le terroir est un savant mélange de soleil, de terres calcaires, de mistral et de savoir-faire bien sûr. Celui de celles et ceux qui perpétuent la tradition des vins rosés, en particulier, comme leurs ancêtres, pour une renommée mondiale qui ne se démentit pas.