Savez vous
parler le Sud ?
Par Isabelle Dert
Vé moi ce boucan, y craint dégun ! Que vous parliez pointu ou plat, je vous propose de tester votre « provençal », ce parlé du pays où il fait soleil et où on vous indique votre chemin « de la main d’ici à la main de là ». A vous de jouer ! « Adieu minot, boulègue, range ton cafoutch, je me suis ruiné les pieds dessus. Et n’essaye pas de m’emboucaner ou d’empéguer ta mère, tu en as pastissé de partout. Oh con, fait pas caguer sinon je te fous un taquet ! A mandonné, couillon de la lune, il suffit pas d’avoir la langue pendue au cul pour qu’on ne voit pas tes cagades. Tes carabistouilles vont me rendre chèvre. Ton grand-père arrive pour midi avec sa nouvelle radasse. Celui-là, ce n’est pas des oursins qu’il a dans les poches, il a le coeur sur la main mais le poignet coupé. Pas grave, quand on ne se mouche pas avec les doigts ! On est bien encapé qu’ils habitent à dache. Té, tron de l’air, arrête de maronner, va donner un coup de pied à l’armoire t’as l’air d’un chiapacan de la couleur du matelas, tu ressembles à une estrasse. Ta cousine est tarpin belle c’te petite, même si c’est une stoquefiche. Tu vas encore faire le gobi, manger comme un gabian et passer pour une brèle en la badant comme un morfale, pendant qu’elle fera sa cagole pour t’impressionner. Les filles ça fait courir les arapèdes comme toi, ça leur met la misère. Peuchère, vous allez encore finir par vous pigner comme des chats avant de faire des cagades. Avec les collègues on a fini de bosser à 11h, j’vais caner. Heureusement qu’il ne tombe pas la mer et les poissons, on va pouvoir se poser en terrasse, on sera pas esquichés comme des anchois dans le métro. Vé, je vais aller changer l’eau des olives avant de faire figure et faire péter le jaune. Pour ça j’crains dégun. C’est pas que j’attende un sourire du papé, celui-là il viendra quand il lui tombera un oeil. Même l’an pèbre est plus proche. Allez boulègue où je vends tout ça pour une poignée de figues. »
Vé moi : regarde-moi
boucan : boulet
J’crain dégun : j’ai peur de rien
Adieu minot : bonjour gamin
Boulègue : dépêche-toi
Cafoutch : bazar
Se ruiner : se faire mal
M’emboucaner : m’embrouiller
Empéguer : saoûler
Pastisser : salir
Oh con : interjection incontournable, la base : Houla
Caguer : comme on dit poliment ça fait ch…
Un taquet : un coup
A mandonné : à un moment donné
La langue pendue au cul : être bavard
Cagades : bêtises
Dire des carabistouilles : raconter des histoires
Devenir chèvre : devenir fada, pardon, fou
Radasse : commère
Ses oursins qu’il a dans les poches et le coeur sur la main mais le poignet coupé : radin
Ne pas se moucher avec les doigts : imbu de son importance
Encaper : avoir de la chance
A dache : loin
Té : tiens
Tron de l’air : quelqu’un de vif
Maronner : râler
Donner un coup de pied à l’armoire : se mettre sur son 31
Avoir l’air d’un chiapacan : un voleur un voyou
De la couleur du matelas : mauvaise mine
Estrasse : qui ressemble à rien
Tarpin belle : très belle
Stoquefiche : très maigre comme un poisson desséché
Faire le gobi : l’air ahuri
Manger comme un gabian : gober sans macher, le gabian est un goéland
Brèle : un âne, un idiot
Bader : admirer
Morfale : mort de faim
Cagole : fille provocante vulgaire ordinaire parfois appelée pétasse
Arapèdes : pot de colle
Mettre la misère : ratatiner
Peuchère : mon pauvre ma pauvre
Se pigner : se battre
Cagades : bêtises
Collègues : amis
Caner : mourir
Il tombe la mer et les poissons : il pleut fort
Esquichés : serrés
Changer l’eau des olives : aller soulager un besoin naturel ou plus simplement aller uriner
Faire figure : bien accueillir
Faire péter : envoyer, apporter
Il viendra quand il lui tombera un oeil : jamais
L’an pèbre : époque indéfinie
Vendre pour une poignée de figues : pas cher
Voilà, vous êtes parés, vous pouvez relire Pagnol, mais attention, pour l’accent ça se transmet de génération en génération. Et allez vai ! on s’en cague, du nord ou du sud, on craint dégun.